Récapitulons!
Une émission de radio puis un débat télévisé survenant après une semaine marquée par un brusque engouement de certains de nos politiques pour une « restauration » d’un «service » aux modalités encore floues, m’auront permis de m’exprimer sur ce sujet, d’apporter si ce n’est la contradiction mais un « éclairage » différent, sans toutefois être certain d’avoir été entendu…Peu importe d’ailleurs car chacun sait que faire partager des idées, ses idées, n’est pas chose aisée ; quant à solliciter l’adhésion du plus grand nombre, inutile de dire que c’est un combat de longue haleine…
Loin de moi l’idée d’être l’éternel empêcheur de tourner en rond ou l’opposant à tout crin des prises de position des uns et des autres- pour le moins surprenantes d’ailleurs lorsque l’on connaît un peu la réalité des choses !- appelant à la concorde nationale et à l’apaisement social. Ils ne font que répondre aux doléances pressantes de nos compatriotes, de plus en plus nombreux, lesquels excédés par l’incivisme permanent, une violence latente qui ne connaît plus de limites, une insécurité qui touche désormais au quotidien de chacun, qui aspirent si ce n’est à une « reprise en main » (de qui, de quoi ?) du moins à un retour à la rigueur (plutôt pour les autres que pour soi d’ailleurs…) dans tous les domaines de notre vie. Chacun des responsables entendus ici ou là paraît donc détenir la ou les solutions miracles à destination de notre jeunesse, brusquement chargée de tous les maux, et prenant nos médias à témoin égrène, jour après jour, les quelques recettes qui devraient mettre fin à la « chienlit ».
Service civique obligatoire d’une durée de six mois pour l’ensemble des jeunes Français (… ?), service civilo-militaire d’une moindre durée (laquelle ?) mais aux objectifs similaires, encadrement militaire au profit de certains délinquants (lesquels et pourquoi ?), sont quelques unes des propositions entendues depuis ces dernières semaines. Un certain retour à « l’ordre ancien » qui répond à un sentiment collectif d’un « ras le bol » partagé. Mais pour autant qu’est-ce qui justifierait que la Défense soit la seule institution à être mise ainsi à contribution ?
En écoutant les arguments avancés par les uns et les autres, je ne puis que me ranger à leurs souhaits : redonner un sens au « vivre ensemble », sens de l’autre et de la collectivité nationale, que nous avons perdu, le temps d’une génération.
Cette « remilitarisation » telle qu’avancée dans les différentes prises de position et quelle que soit la forme prise, ultérieurement, appelle de ma part une double réaction.
En premier lieu un sentiment de fierté que les armées soient unanimement reconnues pour leur capacité de formation de la jeunesse de France, pour la rigueur et le dévouement de l’encadrement, quelle que soit l’armée d’appartenance d’ailleurs, qui ne compte ni son temps ni sa peine et pour lequel la « chose publique » reste son leitmotiv : servir la France avec un grand « S ». Combien de générations successives de jeunes Français sont-elles passées entre ses mains, et auxquelles nos officiers et sous-officiers ont donné le meilleur d’eux-mêmes - l’époque pas si éloignée du service militaire- dans une indifférence polie pour ne pas dire parfois avec un antimilitarisme latent, et désuet, de nombre de nos édiles ?
Combien de millions de jeunes Français depuis la fin du second conflit mondial se sont-ils « frottés » à ce cadre de vie exigeant ? Dix années après la suspension, décidée, du service national, c’est reconnaître à nos armées qu’elles sont parties prenantes de la nation dont elles sont l’émanation : enfin ! C’est leur reconnaître aussi qu’aucun des problèmes qui agitent la société ne doit leur être étranger.
Dans un deuxième temps, c’est bien le sentiment que les uns et les autres ont soit une méconnaissance profonde de la réalité de nos armées professionnalisées, soit font fi des contraintes qui sont nôtres – en terme d’effectifs militaires désormais réduits, de disponibilité aléatoire d’un encadrement calculé au plus juste et entièrement dédié à sa mission opérationnelle, d’un budget sans cesse rogné en dépit du satisfecit officiel, de capacités d’accueil désormais totalement illusoires du fait de la vente ou de l’abandon de l’ensemble des casernements brusquement vidés de leurs effectifs, de coûts faramineux qu’entraînerait un quelconque retour à un « service » aussi bien obligatoire ( erreur fondamentale…) que s’adressant à des volontaires (combien et sous quelle forme ?)…- parce que le « déclaratoire » serait plus important que de poser les vrais problèmes.-
Dans ces conditions, l’accueil en milieu militaire ne serait-ce que d’une classe d’âge- filles et garçons- qui représente tout de même 800 000 jeunes adultes, serait une gageure. Une première estimation concernant l’encadrement nécessaire à cette masse, dont il reste à déterminer le cadencement de passage et la durée de formation, est estimée a près de 60000, un niveau très faible de 1 pour 10 à 1 pour 15. Bien sûr les effectifs sont toujours sujet à polémique, j’en veux pour preuve que les armées qui ont toujours été les bons élèves lors de chaque « revue d’effectifs » décidée par les instances gouvernementales, et que ceux-ci calculés à l’homme près ne permettent aucune souplesse. Dans ces conditions les armées qui ont été charpentées pour leurs missions opérationnelles, ni plus ni moins, ne pourraient faire face simultanément à deux missions diamétralement opposées : leur entraînement opérationnel en vue d’un engagement toujours possible pour la défense du pays et devenir, un temps – que personne n’est en mesure de déterminer- les G-O, mais toutefois rigoureux, pour des activités d’un nouveau type. Il faudra choisir!
Les premiers chiffrages donnent le vertige : 5 milliards d’euros annuels pour le fonctionnement et 5 milliards de plus pour devenir propriétaire de lieux à peu près habitables. Ce ne sont que des chiffrages « à la louche » et chacun sait bien que la vérité des chiffres n’est jamais celle annoncée…Il est vrai que rapportés aux 1000 milliards –au moins- de nos déficits publics, cela ne représente qu’une goutte d’eau !
Ainsi, un « service » qui serait obligatoire avec un encadrement militaire dédié apparaît totalement utopique dans les formes qui sont préconisées.
Obligatoire cela veut dire que l’ensemble de la jeunesse serait contrainte de suivre un emploi du temps imposé, comme le fut en son temps le service militaire avec ses innombrables passe-droits et demandes de sursis accordées: les Français et leurs dirigeants ont la mémoire courte !
Surtout ne pas s’engager sur un projet intenable d’entrée de jeu.
Pour répondre un peu crûment à ceux et celles qui aspirent à ce que tout jeune Français puisse connaître- comme avant… !- un brassage humain susceptible de lui faire découvrir la fraternité avec l’ensemble d’une classe d’âge, l’entraide et l’écoute de l’autre comme un quotidien à acquérir, le respect porté à autrui quelles que soient les circonstances, la vie de groupe quel que puisse être le niveau social, je leur dirai que nos enfants ont déjà la chance de suivre ces préceptes, de connaître les autres au jour le jour, de se frotter au monde des adultes et d’acquérir ainsi un savoir être sous tutorat permanent, une personnalité qui se forge au fur à mesure des épreuves et du temps , sa personnalité. Ainsi depuis l’école maternelle, pendant près de quinze années de leur vie pour les plus chanceux d’entre eux, ceux qui iront jusqu’au baccalauréat, chaque enfant bénéficie de ce « service ». Vous l’ignoriez ?
Qui mieux que l’éducation nationale est capable de porter un tel projet, un « service » cumulant savoir faire et savoir être, études et éducation, matière grise et épreuves sportives ? Dans quel ensemble, hors de l’éducation nationale -école de vie- les jeunes Français pourraient-ils les bases indispensables à la citoyenneté ? C’est un sacré défi à relever alors relevons-le sans nous cacher derrière notre petit doigt et vouloir faire faire supporter à la Défense, une fois encore, les manquements constatés. Les armées ne doivent pas être considérées comme la « voiture-balais » de nos carences collectives et des impérities successives. Elles y perdraient leur âme. Toutefois leur engagement, à condition de se faire sur une échelle réduite comparée à ce qui a été dit, pourrait prendre un certain nombre d’aspects que j’évoquerai sous peu. Pour le moment je n’ai pas encore eu le sentiment d’avoir entendu le développement d’un véritable projet politique mais davantage une succession de propositions, engageant quelques institutions (et l’éducation nationale ?), qui ne paraissent pas toujours avoir des liens entre elles.
En fait la question que nous devrions nous poser pourrait être la suivante : quels liens sociaux souhaitons-nous transmettre et faire partager aux jeunes générations ? Quelle doit être la place de notre pays, demain, dans le concert des nations ?
Un projet politique simple qui ne peut être que rassembleur car partagé par le plus grand nombre-en particulier cette France du « bon sens »- et vivifiant car redonnant du sens à l’action collective.