Tsunami ?

Publié le par Le général de Richoufftz

À relire de près les commentaires que vous avez eu la gentillesse de m’adresser dernièrement j’éprouve parfois le sentiment d’être à « côté de la plaque ». Une impression de courte durée, malheureusement  suis-je tenté de dire, tant les faits m’apparaissent être têtus…

En quelques jours j’ai été le témoin indirect, comme vous je pense -mais scandalisé en ce qui me concerne- , de faits révoltants par leur violence et leur lâcheté. Ici c’est un de nos concitoyens qui venait de porter aide à une jeune femme et qui est roué de coups, jusqu’à en perdre conscience, par des « jeunes » armée de battes de base-ball et de manche de pioches.
Là c’est un policier féminin qui, tombant dans une véritable embuscade voit sa voiture caillassée par une bande cagoulée ; ce fonctionnaire de police ne doit d’avoir la vie sauve que par l’arrivée de renforts : de justesse ! Ailleurs ce sont de véritables batailles rangées nocturnes opposant forces de l’ordre et une frange de population, toujours la même sans doute, aspirant à en découdre pour se venger des « agressions » dont elle se sentirait victime; autant d’alibis…De véritables combats de rue qui n’osent pas avouer leur nom !  Sans parler des automobilistes pris à partie par une pluie de projectiles depuis une passerelle enjambant une voie rapide ( ! ) ; un « amusement » qui aurait pu se terminer en tragédie.
Et je n’évoque sans doute que ce qui m’a fait dresser l’oreille ces derniers jours - la petite partie émergée de cet iceberg de violence - sachant que seuls les faits les plus criants sont relatés, à intervalles irréguliers, par nos médias avides de « scoop ». Et que dire du quotidien de nos concitoyens vivant dans ces quartiers, ceux-là même qui subissent pressions et menaces, la peur au ventre, qui connaissent le désespoir et qui éprouvent un sentiment d’abandon ? Passé sous silence!

Et puis il y a ces petits faits scandaleux car touchant au quotidien des plus fragiles
- et Dieu sait qu’ils sont nombreux !- qui sont rapportés de façon un peu gênée par les commentateurs surpris. Ici ce sont des personnes âgées amenées à ramasser des légumes abandonnés sur l’emplacement des étals de marchés en train d’être démontés: l’accroissement brutal du coût de la vie sonne le glas de leurs maigres retraites. Nos « anciens » ne sont plus en mesure de faire face. Conserver sa dignité est à ce prix !
Là c’est un orphelin dans un village de la France profonde, sans ressources suffisantes, contraint de creuser à la pelle la tombe du dernier défunt de sa famille: son propre père. La collectivité n’est même plus capable de conduire dignement un des siens jusqu’à sa dernière demeure! Il paraît que ce phénomène tendrait même à devenir monnaie courante…Au Moyen-âge, les indigents ne connaissaient pas semblable mésaventure!
Et je ne puis m’empêcher d’évoquer ces paroles au désespoir contenu d’un chômeur de longue durée, sans vraiment se bercer d’illusions quant à ses possibilités de retrouver une situation dans une région progressivement délaissée de ses industries, faisant remarquer à son interlocuteur que « l’intelligentsia » paraît plus prompte à donner de la voix pour les « sans papiers » qu’à trouver un emploi à ceux et celles qui l’ont perdu. Et dans sa bouche « la préférence nationale » prenait alors un sens particulier et sans appel !

Au delà de ces quelques faits rapportés
– une goutte d’eau au regard de milliers d’autres, très certainement - et presque aussitôt oubliés tant nous sommes omnibilés par notre propre existence, il m’apparaît que sourd un mécontentement populaire inconnu jusqu’alors et que se fait jour un « ras le bol » de moins en moins contenu . Nos responsables en ont-ils conscience ? Les candidats à l’élection présidentielle ont-ils pris la mesure du phénomène ?

Dans le train qui me ramenait de Nantes et partageant l’espace alloué avec un jeune entrepreneur responsable de filières d’insertion, nous avons évoqué nos efforts respectifs à mettre ou remettre au travail des jeunes Français sortis du « système ». Nous avons échangé sur les difficultés innombrables que tout citoyen désireux d’entreprendre doit surmonter dès lors qu’il souhaite conduire un projet, quel qu’il soit, jusqu’à son terme. Nous nous sommes étonnés que cette «jungle» administrative- « mille-feuilles » amoncelé au fil du temps - aux rôles croisés et aux responsabilités partagées entre communes, communautés de communes, départements, régions, organismes d’Etat, Union européenne, voire d’autres officines incontournables - autant d’entraves à la conduite rapide de projets innovants-  ne soit pas encore « élaguée » comme il se doit.
Nous sommes tombés d’accord sur l’évolution perceptible du rapport au travail des générations «montantes », d’une inadéquation croissante entre formations suivies et places offertes, de la difficulté de notre jeunesse à appréhender la vie active sereinement, du scandale de ces quelques 80 000 scolaires, laissés pour compte annuels d’une classe d’âge, et ce depuis une trentaine d’années, autant d’échecs patents qui militent en faveur d’une réforme profonde de notre système éducatif, sans cesse repoussée…
Nous avons évoqué, bien évidemment, la perte progressive des « repères » qui avaient le mérite, par leur simplicité et l’adhésion qu’ils représentaient aux yeux du plus grand nombre, d’avoir contribué à façonner la France éternelle. Nous avons abordé ces concepts évanescents, autant de « placebo», qui auraient du transcender cet idéal déclinant lié à notre appartenance viscérale à la Nation ; nous ne recueillons que délitement de notre conscience collective et subissons la montée inexorable des communautarismes.  L’Europe est décidément bien éloignée des préoccupations de nombre de nos compatriotes, n’en déplaise aux chantres de « l’Hymne à la Joie » !
Nous avons ainsi poursuivi notre dialogue en abordant des sujets qui pourraient fâcher ou nous faire passer pour d’odieux « réacs »: régularisation des sans-papiers, immigration clandestine, naturalisation, citoyenneté, liberté d’entreprendre, fierté d’être Français, service civique, effort collectif, mérite, …
Mon voisin avait la rigueur, la clairvoyance et la vitalité d’un entrepreneur au contact des réalités économiques. Il regrettait les atermoiements, le manque de fermeté et de courage. Il ne comprenait pas cette indécision collective érigée en véritable système. Il fustigeait cette trop grande mansuétude à l’égard des fauteurs de trouble. Il se prénommait Rachid…

Ainsi ce sont plusieurs « clignotants » qui se sont allumés simultanément et encore ne représentent-ils qu’une infime part de ce que nous devrions savoir. J’éprouve le sentiment, et je ne suis pas le seul, que notre situation est plus grave que ce que l’on veut bien nous faire croire.Notre situation exige bien davantage : à tout le moins des réformes de fond, dans la durée et sans état d’âme. A défaut de volonté et de courage politiques pour les postulants à la responsabilité suprême, ne prenons-nous pas le risque d’être balayé par un tsunami social ?
Le remède ne peut consister à la seule énumération de mesures souhaitées, encore moins de promesses non tenues.

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D
Merci Luc !<br />  <br /> David
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L
David, si tu regardes bien il y a un lien "contact" en bas de page du blog de M. de Richoufftz...je crois que c'est un moyen d'envoyer des mails...++Luc
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D
Mon Général,J'ai lu avec un immense intérêt vos ouvrages. Il se trouve que je prépare un Doctorat sur ce que l'on nomme aujourd'hui, sans doute avec une certaine inadéquation, les "opérations de maintien de la paix". Je ne voudrais pas monopoliser ce blog. Je souhaiterais beaucoup vous rencontrer pour un entretien. Seriez-vous d'accord ? Comment puis-je entrer en contact avec vous ? Cordialement,David
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G
bonjour,<br />  j'ai mis un lien de  cet article  sur mon blog.<br /> sans doute quelques centaines de lecteurs supplémentaires.<br /> l'analyse est toujours aussi pertinente.
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